Paul Alexander : soixante-dix années de résilience dans un poumon d’acier
Malgré une vie entière passée dans un respirateur artificiel, Paul Alexander a transcendé ses limites physiques pour bâtir une existence épanouissante. Son parcours hors du commun nous rappelle que les chaînes les plus lourdes ne peuvent entraver un esprit déterminé à s'élever.
À six ans, sa vie bascule dans l’inattendu

Nous voilà en 1952, dans la périphérie de Dallas. Paul est un petit garçon plein de vitalité, curieux de tout et toujours prêt à explorer son environnement. Mais un matin banal, il se réveille avec une sensation de fatigue inhabituelle. En quelques heures à peine, la fièvre monte, accompagnée de raideurs musculaires alarmantes. Moins d’une semaine plus tard, il ne peut plus avaler ni respirer sans aide extérieure. Le diagnostic tombe : la poliomyélite, un virus qui agit avec une rapidité déconcertante.
Transporté d’urgence à l’hôpital, Paul est même un moment déclaré mort… jusqu’à ce qu’un second médecin ne lui sauve miraculeusement la vie en pratiquant une trachéotomie en extrême urgence. C’est le début de sa cohabitation avec le poumon d’acier, cet engin imposant qui prend désormais le relais de sa respiration défaillante.
Un esprit infini, prisonnier d’un cylindre d’acier

Immobilisé dans cette position fixe, incapable de parler pendant de longs mois, Paul vit ses premiers temps dans cette machine comme un véritable calvaire mental. Pourtant, contre toute attente, il refuse rapidement de laisser son corps paralysé définir les frontières de son existence. Son atout majeur ? Une volonté de fer.
Avec l’aide précieuse d’une orthophoniste investie, il parvient à respirer par lui-même pendant de courts moments chaque jour, en maîtrisant une technique inspirée du système respiratoire des amphibiens. Et quelle fut sa récompense ? La promesse d’avoir un chiot s’il y arrivait. Le pari fut réussi : en l’espace d’un an, Paul réussit à allonger progressivement ses moments hors de sa machine.
Études brillantes, carrière réussie… et une vie sociale épanouie

Malgré les nombreux défis liés à son handicap, Paul décroche son baccalauréat avec les félicitations du jury sans avoir jamais mis les pieds dans une salle de classe. Plus tard, après avoir été accepté à l’université sous conditions, il embrasse la profession d’avocat. Et pas n’importe quel praticien : un juriste exceptionnel, respecté par ses confrères et profondément investi dans la défense des droits.
Il a également exercé comme enseignant, publié un récit autobiographique et mené une existence riche en activités, en adaptant son quotidien à sa machine, qu’il surnommait tendrement son « compagnon de vie ». Paul se déplaçait sur son campus avec son appareil, voyageait, et recevait des amis dans sa chambre spécialement aménagée pour accueillir son équipement.
Un modèle de bravoure, jusqu’à son dernier souffle

Pendant des années, Paul a assuré lui-même la maintenance et les réparations de son poumon d’acier, devenu une véritable pièce de collection ambulante. Il dégotait des pièces dans des greniers, sur des brocantes… aidé par des mécaniciens experts en appareils anciens.
Son récit a touché le monde entier : loin de susciter la pitié, il inspirait l’admiration. Il n’a jamais vu sa condition comme une barrière, mais plutôt comme un défi à relever. « Je voulais réaliser ce qu’on me disait impossible », racontait-il souvent.
Paul Alexander nous a quittés en mars 2024, à l’âge de 77 ans. Pour son frère, il n’a jamais été « l’homme du poumon d’acier », mais simplement Paul, un frère attentionné, toujours présent, aimant. Et pour nous tous, il reste un symbole de la résilience humaine.
Car au final, nos limites ne déterminent pas notre avenir – seule importe la façon dont nous choisissons de les dépasser.
